• Tout le pouvoir des mots

    Ce type-là, tu sais, c'est un faux romantique, une espèce en voie d'apparition. Et va bientôt y en avoir à tous les coins de rue, quand les lascars auront compris que le romantisme est payant. Alors ça fleurira sévère...

    A chaque coin de rue, t'auras des grands poètes maudits... Une profusion de ménates roucoulant leur joie d'Inséparable, des palanquées d'hypocrites du verbe amoureux, des ersatz de « grands corps malades », près à te rétamer du Verlaine dans un murmure d'haleine Kronembourg, le talent et la rage d'aimer en moins, des myriades d'illusionnistes, avec le bulbe rachidien déclamatoire.

    Je te le dis, ça va faire florès... parce qu'il y a un marché pour ça. Tu veux mon avis, les gazelles ça commence à leur courir sévère sur la cymbale qu'on les escroque avec du muscle. Maintenant, elles veulent aussi du muscle chantant, de la testostérone capable d'aligner deux trois mots. Et puis avec le vocable, un peu de sang neuf aussi... Les psalmodies d'amour iront se rhabiller chez Fernande. La gueuse, elle veut la psalmodie de la jeunesse...

    Ah ouais, je te vois venir, tu vas me dire « mais, c'est horrible », « ça va être la dictature du verbe ? ». Et là, je t'arrête tout de suite, Mirliton, la dictature a commencé y a bien longtemps quand on a figé la langue dans son bocal formol. D'où qu'ils auraient pu croire, les immortels qu'ils seraient les seuls à avoir le droit d'se taper les mistinguettes. Déjà, y avait eu des révoltés, des Apaches plein la corbeille à papier, du Louchebem avec la verve sanguinaire, des communards du stylo à plume, des poètes lambertiste bramant du HLM... Putain Blème, le HLM

    Alors, les macchabées de l'académie, les type de la blanche et du Flore, les Beigbeder de naguère, y z'avaient déjà restriction sur les tickets conso... On a vu l'époque où il se rabattaient sur de la blonde peroxydée, les lèvres liposucées avec la cervelle aussi atrophiée qu'une limace au soleil.... Creuse, j'ajoute aussi creuse qu'une assiette du même nom. Quand y a pénurie on est moins regardant sur le marché noir. Mais déjà là, rapport à la rente viagère, ils ont eu chaud aux fesses, nos gardiens du dogme.

    Y sont d'un monde qui dominent, alors ils vendent encore leur salade mais ils commencent à ressentir sévère les carences du frotti-frotta. Leurs breloques dorées crient famines. Toute façon, c'est pas avec leur bouillie de normalien qu'ils vont pouvoir emballer le nénuphar... T'as qu'à croire.

    La langue, elle se distord, elle se mâche, elle se transforme. Même vernaculaire, la langue, tombée comme Gavroche, la faute à Rousseau, elle vole terre à terre, elle surnage, elle se digère. Et les tarbas lunaires, les slameurs de païs et même les autres, de bonne volonté y z'ont pigés qu'y avait un créneau à prendre.

    Et puis un jour quand ils maîtriseront suffisamment, y passeront plus toute leur journée à composer sur les chaudières et les rondelets des gamines. En prime, ils t'y mettront du sentiment. Et ça, ça plaira le sentiment... ça leur donnera une certaine hauteur, ça posera son homme même, si au final, ils en penseront pas une rime.

    Bref, ce type-là, c'est un précurseur. Je l'ai cerné dès la première seconde, voilà la race des nouveaux pique-assiette. Du ménestrel de comptoir à la berceuse assassine. Plus vraiment jeunes ni large d'épaules. Même pas joyeux insolent et drôle. Mais, il a compris la faiblesse du monde mâle. On n'illumine pas les saveurs en récitant un bilan comptable ou l'arrivée du tiercé. Non, il faut être là, au bon endroit, en occupant le terrain. Et puis, il faut séduire la langue, se l'approprier... C'ui-là, a eu la main heureuse... ça ou autre chose, il s'est dit qu'à toute prendre, il y avait pire trésor. C'était même pas un vol, même pas rapine, on lui a tout laissé en jachère. Alors, il s'est servi et il ne se sent même pas coupable... tu te rends compte ?

    - Oui, mais lui ou un autre, j'arrive pas à leur en vouloir. Au moins, eux, ils savent tout le pouvoir des mots...


  • Commentaires

    1
    Vendredi 31 Mars 2006 à 10:53
    wouah...je suis fan...
    fan...de ce texte incroyable !!!! je vais le relire....tout de suite ! bizz chach
    2
    Vendredi 31 Mars 2006 à 10:57
    Bises
    Nikooo. Ma fan de toujours, ma fan de radis. Ma fidèle entre toutes.
    3
    Vendredi 31 Mars 2006 à 11:40
    D'un autre côté,
    je me rend compte qu'il n'y a qu'un seul thème ici, Nikoo/ Demain, varitation de thèmes.
    4
    Vendredi 31 Mars 2006 à 11:54
    Merci Fil
    Oui, là, je me suis imaginé une révlte de ceux qui sont privés de parole officielle. Mais c'est pas forcément rassurant pour les autres. Même si on est encore en pleine SF/ je ne prend pas mes désirs pur réalité.
    5
    Vendredi 31 Mars 2006 à 12:05
    Et j'aimerais
    bien que ce satané dauque de merd... de O soit plus cooooulant sur le clavier....
    6
    Vendredi 31 Mars 2006 à 14:11
    Et ça c'est quoi alors ?
    "Je voulais là te dires mes amours non feintes…"-"J’ai slamé sur les murs, traîtresse nostalgie Tu me fiches des myriades de larmes alanguies "-"Pour peu qu’un beau minois, de moi fasse son Trouvère"-"Et s’il le faut, mon Dieu j’irais jusqu’en enfer Te dire ces rimes graciles mouillées par le tonnerre"...
    7
    Hivernale
    Vendredi 31 Mars 2006 à 19:04
    elle repasse
    après longtemps et murmure : dommage...
    8
    Danaé
    Vendredi 31 Mars 2006 à 20:25
    Des mots
    accrochés à une tête minuscule, et qui jouent à l'élastique, déconstruisant délicieusement les premiers bâtis de sa maison... Aime bien.
    9
    Byzance
    Samedi 1er Avril 2006 à 01:10
    Ces mots
    ont un je ne sais quoi qui m'effraient... Leur fond, peut-être? Enfin bien sûr, ce ne sont que des mots. Des mots sans voix ni voie pour quiconque n'oserait pas y croire.
    10
    Dimanche 2 Avril 2006 à 11:34
    Ceux-là peut-être
    et sûrement comme tu dis, mais le style, c'est un silence précis, et ça tu vois, les troubadours désolants connaissent pas :)
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