Le Blanc, Amédé, depuis le début du braquage est resté scotché au comptoir. Il est plutôt tétanisé, presque terrorisé, il se demande : Qu'est ce qu'je branle dans cette histoire de culs-blancs ?
Et puis petit à petit, une idée fait son chemin dans son crâne d'apatride, une idée foutrement séduisante, une idée pour s'immaculer !
La preuve, Le Blanc ne pense même plus à Cristophéro.
Cristophéro justement n'a plus que quelques mètres à parcourir avant d'entrer en scène...
( Et les spectateurs : Action ! Action !)
Lydian, abaisse le Neostead sous le comptoir... tente de se calmer le nerf. En même temps qu'il agrippe la mallette, il chuchote à L'Autre :
Bien ! C'est bien mon Charlus ! Continu comme ça t'as été parfait ! Maintenant nous on va sortir doucement et vous vous allez rester calmes...calmes ! Pense que si tout se passe bien, tout à l'heure tu seras devant téloche à mater un bon porno...
Il prend la mallette. Elle est dans ses mains, ça y est... Lui, Lydian se prépare à vivre ses dernières secondes au comptoir... Foutu comptoir !
Quelques secondes auparavant...
L'Homme, Cristophéro est parvenu devant le Lieu de L'Action, bar de M*** côté terrasse. Il salue le lieu avec grandiloquence. Y règne un silence étrange...
Et l'Homme s'interroge; pourquoi ses couples hétéros d'habitude si prolixe sur leurs aventures sexuelles sont aujourd'hui comme frappés de stupeur ? Sont-ce les acteurs lothéens d'une version intimistes, tendance godaro-pasolinienne, de Sodome et Gomorrhe ?
Il ne dispose pas de toutes les données pour répondre au problème. Alors il rentre dans le bar. Là aussi, l'Action est silencieuse. L'Homme aperçoit Le Blanc, la bedaine vissée au comptoir...
L'Homme lui effleure le cul de la main. Amédé, c'est moi Cristophéro !
Le Blanc ne se retourne pas. Cristophéro réeffleure. Pas de réactions.
Ah c'est comme ça !
Quand même, ce que cet arabe est snob !
Toujours le silence. On entend les mouches...
A n'en pas douter, toute cette quarantaine verbale a été organisé par ce bougnoule pour le faire chier. Quel méchant rancunier ce Blanc ! C'est peut être à cause de la dernière fois ? Quand ils ont tirés à pile ou face pour savoir qui allait besogner l'autre. C'est lui, Cristophéro qu'a gagné. Mais ce serait tout de même un peu exagéré comme réaction.
Personne ne parle plus dans le bar. Tous les regards convergent vers Cristophéro. Il lance des appels angoissés à droite, à gauche... cherche une bouée salvatrice...
Et soudain une voix forte a retenti
« La voix parlait d'une mallette ou de quelque chose dans le genre »...
Peu importe la conversation, Cristophéro est instantanément joyeux... alors quelqu'un parle dans ce refuge pour sourds muets...
Quelqu'un ?
Mieux !
Un vieil ami !
L'Homme vient de l'apercevoir Lui, le beau Lydian... Et c'est Lydian qui parle... Cristophéro nage en plein bonheur... Lydian parle, parle, parle... et même si Cristophéro ne comprend rien à ce qu'il raconte, ça lui fait un bien fou de savoir qu'un ami va lui parler... lui parler... ne pas l'exclure.
L'Homme vers Lui se précipite... ralenti, élabore des gestes plus aériens. Il est à un mètre cinquante de Lydian, il hésite sur l'entrée en matière...
Une main sur le cul ?
Non Cristophéro opte pour une version soft de retrouvailles.
Un mètre... cinquante centimètres...
Cristophéro lui plaque ses deux mains sur les yeux :
Coucou devine qui c'est ?
L'Homme remarque alors la mallette noire et aussi le drôle de fusil d'extra terrestre collé contre le nez du patron. Qu'est-ce qu'il fait avec cette chose violente dans les mains, Lydian ?
Que de questions... et si tard !
Un peu trop tard, l'Action est en marche...
Quelque chose de lourd, de douloureux, quelque chose d'agressif vient s'écraser contre la mâchoire de L'Homme...
Pour les Hommes aussi la vie est chienne ! Aïe ! Aïe ! Aïe !
Au même moment...
Lydian, surpris, quelques secondes en flirt avec une espèce de noir total, a laissé la mallette valser dans la tronche d'un blagueur pas drôle qui joue avec des devinettes débiles... Lui, Lydian entend alors un craquement sourd... os brisés... Mallette contre mâchoire... Lui se retourne et aperçois L'Homme par terre. L'Homme ? Cristophéro !? Qu'est ce qu'il vient crapahuter ici ? Il est zinzin cet Homme, pourquoi est ce qu'il est venu se jeter contre sa mallette ?
Désorienté, Lydian prend quelques secondes supplémentaires pour regarder où Julia en est. Elle est toujours dans l'Action, mais ces yeux regardent ailleurs...
Quel cafouillage ! Il doit tout surveiller Lydian !
Il revient enfin sur la narine de Charlus. Il n'a pas lésiné sur les secondes. Il a pris son temps... trop tard encore trop tard : la narine de Charlus n'est plus là.
L'Autre, Charlus, dans un cri barbare, vient de casser un des verres qu'il aime tant. Charlus samourise des obscénités. Par dessus le comptoir, Charlus l'agrippe, Lui. Pire, Charlus l'étrangle... et même plus grave, Charlus lui plante son ébréché dans la joue, entaille profondément la chair... sa joue à Lui, qui pisse pire que le Manckenpis...
Mais Julia qu'est ce qu'elle attend, Elle ?
Elle, elle a les télescopes rivés à mes yeux ironiques... mes yeux à Moi !?! Julia me reluque de haut en bas, en s'éternisant sur la fermeture éclair. Elle minaude, de tout son art de garce. Il faut dire qu'elle et Moi, on se connaît bien... Moi, Wladislas, son grand malade, comme elle aime à m'appeler. Ben visiblement, « ton grand malade » trouble encore gourgandine ! Mouais mais pas longtemps... C'est de la mauvaise graine, du bois dont on fait les fluttes. Elle, si calme malgré ses cris à Lui, j'en serais presque impressionné, si je ne la savais pas aussi fausse qu'un jeton. Bref, elle, pas pressée, patiemment, renoue avec la scène sanglante... Juste quelques secondes de retard dans le timing... Le temps de faire croire qu'elle vient d'émerger d'un doux rêve...
Puis, Elle reprend les rennes de l'Action. Ses deux paluchettes se tendent sur la crosse du Heckler, elle lève le flingue droit et vise... vise ? Mais qui est ce qu'elle vise ? Elle vise sans trembler ! Puis, presse, presse... Schclik ! Schlik ! Et le pistolet... CRACHE, CRACHE comme une volupté : FLOC ! FLOC ! Et L'Autre, Charlus, visé, reçoit les salves plein le caisson. Charlus qui cesse d'étrangler Lydian, qui arrête de le martyriser, Charlus qui le lâche, parce que Charlus son peu de cervelle s'absente définitivement... Oh l'Aut' c'est bêtement que tu viens de mourir... Adieu la 1690 chromée or !
La vie est chienne
Grrr ! Grrr !
Aïe !
GRRR... Aïe !
Aïe, aïe, aïe !
T'as pas eu la chance L'Autre... non ça t'as pas eu la chance !
Le corps de Charlus passe par dessus le comptoir, viens s'écraser sur la carrelage plein de bière et de boue tandis que Lui, Lydian, la joue profondément entaillée et l'homme Cristophéro, visage fracassé, marinent dans le sang du Charlus.
Dans le bar, beaucoup de minables en font des sueurs nerveuses, mais s'efforcent de garder les apparences... dur de masquer l'odeur !
Trois petites minables et un grand minable sont déjà dans les vapes. Le grand minable se fait surnommer Maoz... Il n'a aucun intérêt pour la suite de l'histoire...
A suivre
texte et photo : (Lydian et sa scie près à dépecer le cadavre du Père Noël de Nikoo - faut bien rendre service à ceux qui ont un cadavre sur les bras) Wlad Coati et CD
qu'un Breton au surnom imprononçable joue un rôle microscopique dans cette histoire...