• Relativement au prix de Charon, un passage à la Préfecture, ce n'est pas cher payé.

    Tu comptes laisser combien ?

    Cent kilos de chair, au moins...

    Et tu ne trouves pas ça cher ?

    Je trouve qu'on s'accomode de tout...

    Certes, tout dépend si la chair est fraiche ou si c'est de la viande faisandée.

    Photo (Home of Chaos - detail) : Le Coati


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  • Il avait ses entrées dans ce zinc entre Belleville et Ménilmuche. C'était un gentil ivrogne. Une gueule d'ange terrassée par la tristesse, une carcasse écroulée sous le poids d'un passé trop lourd pour ses maigres épaules. Souvent quand venait le soir, il se posait dans un coin du troquet et il maugréait comme pour lui tout seul :

    « Ah ça j'ai connu des nuits d'une violence hallucinée comme vous n'en connaîtrez peut-être jamais. Car il faut sortir pour connaître les saveurs glauques de la ville... Et non seulement sortir mais aussi s'impliquer la langue dans l'éthanol, se confronter à ses propres lâchetés, tanguer vers des comptoirs infâmes, se perdre en des ventres fades... Et puis face aux ignominies être aussi capable de se dire « je n'y arrive pas, je ne sais pas intervenir... Je ne peux pas. Je n'ai pas les ressorts. Je dois rester transparent pour témoigner »...

    J'ai vu des soiffards défoncer la gueule de leur soudarde pour un sourire de traviole, en coin, sans qu'un seul doigt ne se lève... et ces braves gens toujours emplies de la bonne intention de ne pas déranger sirotaient tranquillement leur Picon-bière... J'ai vu des batailles rangées dans des rades et des sols gorgés de sang, de verre et de bière. J'ai vu cette fille qui s'intraveinait le bleu dans ce qui lui restait de veine... J'ai vu ce type qui courrait comme un poulet décapité avec un schlass planté dans la carotide... J'ai vu ce clochard mort dans une ruelle de Tigre, la bouteille toujours fichée dans la bouche et les mouches qui commençaient déjà leur gros œuvre. J'ai vu le gros canon reptilien, ce trou de béance et de mort, planté sur ma tempe par une pauvre hère grappilleuse de pesos... J'ai vu des potes s'asperger de haines en l'absence d'argent ou d'alcool. J'ai vu des poignards dans des yeux de filles habituellement douces. J'ai vu des vieillards frappés au sol par des gamins en haillons, à la lueur des réverbères... J'ai vu des militaires tirer sur la foule, dans la pénombre d'une ville suintant la misère...

    J'ai vu du sang, des larmes, des traces de dégueulis sur les murs écaillés de nos rêves assoiffés. J'ai vu des violences quotidiennes, j'ai vu des vexations à l'ancienne, morceaux d'horreur éparse, une sorte de monde en marche.

    J'ai vu. Je n'ai plus soif mais je serais encore là demain, au hasard des haines, à regarder l'humain droit dans les yeux... Des yeux qui, mieux que les longs discours, nous expliquent aussi ce que choisir son camp veut dire.

    J'ai vu toutes ces agitations puis, je me suis endormi. Et j'ai rêvé d'une île isolée où je pourrais puiser dans mes souvenirs d'enfance pour retrouver les âges de la douceur... »

    Alors, la litanie cessait et cette crème d'alcool, prophète cohérent du chaos, vidait son dernier verre... Parfois, il allait se poser sur une banquette dans un coin du bar et comme il venait de le prédire, il s'endormait plein de ces rêves dont nous ignorions la teneur réelle ... Parfois, il sortait tout simplement sans un bruit et il allait se perdre dans les sinuosités interlopes de la ville. Mais toujours, à la fin de son monologue, les voix des buveurs se faisaient plus basses, des gestes amicaux ou tendres étaient esquissés, quelques rires fusaient et l'on pressentait qu'ici, au moins, la nuit serait plus apaisée qu'ailleurs...


    Photo (un écran de vidésurveillance dans un bar d'Oberkampf) : Le Coati

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  • Dans les romans, on fait la part belle au lieu de l'enquête. Le crime, la scène du crime. Toujours des scènes froides, glaciales même, de sang et de tripes : et puis, les couleurs glauques de la mort. Mais, on oublie souvent le reste : la scène de l'annonce. L'annonce à la famille. Les cris, les larmes, les regards éberlués de la petite fille, parfois la crise d'hystérie de la mère. Et il faut toujours un con de flic pour ça. Alors il arrive le flic, sans se presser, façon Zorro des bas quartiers. A le voir de loin, on le dirait serein, calme, cool...

    Mais Louis Ferdinand a pas du tout envie de se presser. Parce qu'il est pas du tout serein en vérité Ferdinand, pas calme, pas cool, l'a une grosse boulle d'angoisse qui lui serre sur la gorge. Déconfit, le Zorro, il déteste ce jour, poor Ferdinand, salaud de commissaire Braudel qui le traite comme un larbin, je suis vanné qu'il a dit le Jules, poursuit l'enquête tout seul, lance un appel à témoins, annonce la mort du gamin Japrisot à la famille, réconforte, pas de vagues hein Ferdinand, et puis tu recueilles des infos... et v'là comment Jules lui à refourgué le bébé, sans moufter, comme ça, j'vais faire une sieste, bizarre cette sieste, t'es content, pour une fois, c'est toi le chef, autonome, missioné, bonjour le cadeau !

    Jules bon commissaire, transmettre à toi subalterne tout le travail de merde !

    Sigmaringen ! Là où il l'enverrait se faire foutre s'il avait les couilles Louis Ferdinand. Mais il a pas les couilles, alors il s'avance Rue Saint-Jean, la mine toujours aussi contrite, y cri "Raaaah", pas les scrupules qui l'enragent, plutôt l'impuissance, l'a beau être facho, l'en est pas moins homme, il a du sentiment Louis Ferdinand, parce que merde, c'était dur d'aller claironner aux proches que "ça y est !" il l'a fait, la chair de leur chair, l'a craché le morceau, dernier morceau, sans fanfare, en forme pieds devant et rupture vertébrale, colonne, tu parles d'une colonne, cinq lignes à la une, à peine : Alexis Japrisot, champion de France de Tae Kwendo, assassiné dans la nuit du 27 au 28 janvier 1997, crevé, fracassé la tronche, mort, même pas pour la France, même pas dans l'exercice de ses fonctions, par hasard, au mauvais moment, une méchante petite minute dans la nuit... putain ! ça c'est du tragique, de la lacrymale à profuse, rien à voir avec les journaleux qui vous abreuvent en faux sanglots, mensonges, sida mental, pour une crouille qu'aurait glissé dans le canal, Brahim, Malik, Bouarham, imprononçable, j'en passe des sobriquets. C'est sûr, y a pas la même égalité de traitement dans la presse bolchevique, nos petites tête blondes, salauds de cosmopolites, putain d'arabes sionistes, y s'en contrefoutent, sapeurs de valeurs... Alexis, petit marloux t'es pas aidé... on t'as tué, cracassé, crabouillé, comme ça, pour rire peut être... un méchant coup sur l'échine, c'est bien connu la baramine est assassine, ça l'étonnerais pas Louis Ferdinand que ceux qui l'ait décédé ce soient toujours les mêmes traînes savates, harbis de services sans papelard officiels, ce serait dans la logique...! Bien sûr, même lui, Michelet, y se doute, quand y réfléchit, quand ça lui arrive, l'évidence, qu'en avançant ce genre de rumeur il cède à la facilité, que le bouc émissaire y vaut toujours mieux qu'il vienne d'ailleurs, de préférence la banlieue... pas riche, le bouc, pas alphabétisé, bien sale, tout ça, c'est mieux, ça fait un bon coupable, pas beau, hargneux, terroriste, méchant avec les Français... et puis ça justifie les statistiques, les flics, la droite, les lois Pasqua-Debré-Sarkozy, même pas réformées... Et c'est pour ça qu'il a voté, Ferdinand ! A gauche... au second tour... pour Chevènement, enfin y se souvient plus bien. N'empêche il ment pas, même avec la meilleure volonté, Ferdinand, il a pas le mode d'emploi, et dans les quotidiens spécialisés z'annoncent toujours plus de meurtres, insoutenables, des Marions, des nubiles, petites filles en nattes... des pédophiles plein les rues, dans la cage d'escalier, des maniaques en Belgique, en Italie, sur Internet, jusqu'à Boulogne-sur-mer... Landru, Dutroux, Chanal, Kaisersmertz faites pas rire !, le Détective il en trouve des plus cradingues tous les jours !, et dans France-Soir ? Et dans le Parisien ? C'est pire ! Et tout ça c'est du fait avéré, cognitif, recognitif même de la pensée générale. On est entouré de maniaques, de psycho... et même de schizophrènes du chibre ! T'en foutrais du H.P !!! Y disent ça pour échapper à la taule.... Tous des salauds de dégénérés du skons, ouais.... S'en branle qu'y z'aient été violés par leur pères y a longtemps. Lui, il sait qu'il faut les empêcher de nuire à nouveau. Et la meilleur manière d'y parvenir s'est encore la copine Guillot. Vous savez celle qu'est taillée en biseau.

    Enfin, on vous aura prévenu !

    A suivre...

    Texte : Bob Bonobo - Photo : le Coati


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  • Je suis rentré un jour, la tête en vrac... Bourré d'idées rebelles et d'images intranscriptibles en photo... D'abord, les jupes attrayantes des filles, leurs grands yeux noirs ou clairs mais surtout leur insolence dans le regard et la façon qu'elles ont de vous toiser, de vous évaluer, finalement de juger à distance si vous en valez ou non le coup...

    Ensuite, il y a les barrages de l'armée, nombreux et dont on aimerait témoigner pour montrer combien le pays est de nouveau à cran, mais, après deux ou trois tentatives et les admonestations nerveuses des militaires, j'ai sagement renoncé à leur tirer le portrait...

    Enfin, ce n'est qu'un apparent paradoxe, j'aurais aimé pouvoir montrer en image le visage de l'insoussiance, grande leçon de résistance de cette jeunesse libanaise qui mange la vie à pleine dent...

    J'ai rencontré à Tripoli un vieux baroudeur français qui écrit des guides de voyage (je ne dirais pas lesquels, ah ah), je lui disais combien je trouvais Tripoli ennuyeuse (on peut pas y boire une goutte le soir) et en même temps si grouillante de vie. Il m'a regardé longuement puis faisant mine d'hésiter, il a dit : "c'est con de dire ça, ça va faire un peu stéréotype, mais, eux, ils sont vivants, c'est nous qui sommes morts..."

    J'aimerais pourvoir démentir cette réflexion. Il vous reste un an pour me prouver le contraire.

    Chach, Bob Coati et tutti quanti

    Photo : (détail en réflection d'immeubles, l'un détruit, l'autre reconstruit, quartier Hamra, Beyrouth) : Le Coati

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  • des aventures de Mister D, Marie Ingam et du docteur Colto est en ligne... Où l'on découvre que les engagements les plus beaux peuvent être contrariés par de sournoises attaques virales, que la psychomotricité des coatis est devenu un sujet d'étude, que toute évanescente qu'elle soit, Louisebee Brook n'a pas totalement disparue et que le mal n'est souvent que l'envers d'une souffrance...

    A lire, sur : http://www.blogg.org/blog_tmp.php?idblog=31744&billet=248865

    Bientôt, il faudra songer pour la suite à la relève.

    Le Coati


    Photo : (Moscou, statue hommage à cet immense poète chanteur : Akoudjava)

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