• Meurtre avec ratons-laveurs sur Potomac-River


    Georgetown, 21 h 38, Washington DC, le 27 avril 2068


    36 ° C. Grosses gouttes sur la ville. Avant de fermer la porte du studio, Oswald Bongo jette un ultime regard à la fille attachée sur le lit. Il lui lance une dernière phrase : « Eh Mélusine fait moi un sourire, t'as le make-up qui dégouline. » Elle ne va plus très fort. Ses bras lacérés tremblent convulsivement.
    Oswald, ça le ferait plutôt marrer, cette absence de tonus. Bon mais trêve de marrevadage. Il descend la cage d'escalier, jette un oeil dehors ; à droite, à gauche. Tout va bien ! Pas un aristochat sur <st1:personname w:st="on" productid="la Troisième Avenue.">la Troisième Avenue.</st1:personname> A peine trois ou quatre ratons laveurs qui s'évertuent à éventrer les bacs-détritus, achevant de répandre de la merde dans cette ville qui n'en manque pourtant pas. Oswald Bongo se faufile dans la rue, passe à côté du Banana-Republic Café, descend Jefferson Street, en direction de Potomac River. C'est un gros Afro-wasp d'une cinquantaine d'années. Il est cintré dans un costume gris anthracite
    qui flotte sur ses côtes. Le costume commence à se consteller de gouttes. La pluie est grasse et chaude. Cette année, la chaleur moite a pris de l'avance. Oswald déteste suer. Il n'a pas les pores adaptés. Chaque fois qu'il sue ça lui colle des rougeurs. Foutue pollution
    atmosphérique. Saloperie de ville pouillasse. Bordel ambiant poucrave... Merde, faut qu'il arrê
    te d'y penser, demain, il sera à Santa Barbara, sur les bords de <st1:personname w:st="on" productid="la Grande Bleue">la Grande Bleue</st1:personname> avec sa femme Thelma, sa fille Jessie et le Petit William.

    JARNICK-LAFËMMENCLOK !

    <o:p> Une Onomatopée hurlée
    </o:p>

    A deux cent mètres, Oswald aperçoit une bande de Kunjes panaméens qui insultent en Slang. Une Mama latinas reçoit les quolibets. Elle a le ventre gros des entreprises de son boudard. Machinalement, Oswald resserre sa main autours de la poignée de “l'attaché-cuisse”. Pour plus de sécurité, une petite menotte relie l'homme à la valise. Les Kunjes s'acharnent sur la mater en pleine crise dolorosa. Pas rassuré pour sa trogne, Oswald sort son Radio-Trakin de la poche de sa veste. Il appuie sur le Digital-Liseur d'alerte. Une sirène semblable à celle des Cop-machine retentit. Les Kunjes et les ratons laveurs se carapatent vers <st1:personname w:st="on" productid="la Ville-Haute.">la Ville-Haute.</st1:personname> <o:p />

    Oswald range le Trakin dans sa veste. <o:p />

    "Deos Gratias... Sior gentleman, sans vot Trakin j'allais passer mauvais quart d'heure."<o:p />
    Pas un regard pour l'implorante. Oswald n'est pas là pour ça. Il trace sans se soucier de <st1:personname w:st="on" productid="la Mama. Contre">la Mama. Contre</st1:personname> son torse, il sent le métal rassurant de son flingue Vektor SP13. Malgré l'arme, mon bonhomme est tendu. L'astre lounaire joue avec ses nerfs. Cette ville est en pleine déliquescence. Elle ne rapporte pas assez d'argent. Voilà pourquoi les world Center n'y assurent plus la police. Bordel urbain. Ghetto poucrave. Plus que des Latinos ou des
    Francaouis pour s'y entasser. Pauv' Anglosphère ! Si Oswald avait les moyens, il te donnerait un de ces coups de balai dans la fourmilière.

    N'empêche, on dira ce qu'on voudra mais c'est encore un des rares endroits où on trouve encore de la marchandise de qualité et pour pas cher. De bonnes petites esclaves tailladables et corvéables à merci. Avec ça, pas de danger que la marchandise aille se la plaindre larmoyante, genre “M'sieur le cop, y a un web-buy qui m'a louchebaillé”. A cause de la mauvaise réputation de la ville, les tapineuses du District Vagin'town sont classées à 1 contre cent sur l'échelle Healthquality de l'Intersex. Les plaintes des tapineuses du District ne sont jamais suivies d'enquête.<o:p />

    Oswald Bongo est parvenu à proximité des rives du Potomac. Sur les pilotis de l'ancien port, les Fast-food néo-cajun ont fleuri anarchiquement. La pluie ruisselle le long de leur mauvaise gouttière. Tout est fermé ce soir, à cause du vilain temps. L'orage va éclater, pas de doute. Les ratons laveurs se sont regroupés à quelques encablures des gargotes.
    Ils espèrent quelques restes de poissons. Poor racoon !, songe Oswald, ce soir, ça va être la diète. Oswald Bongo progresse sur l'avant-pont en piloti. Les ratons laveurs le dévisagent bizarrement, hésitants entre la sieste ou la fuite. Oswald s'assoit sur le rebord du pont à côté d'une cabane peinte en rouge avec un toit en tôle verte. Il a l'humeur rêveuse. Il repense à la fille d'avant-hier à Baltimore. Une chiquita de dix-sept piges au visage de porcelaine plombé par des yeux cendrés. Belle môme, toute tremblante, toute fragile. Ils se sont bien amusés avec Dermought. Peut-être qu'ils avaient un peu abusé de l'Invinos, parce qu'ils étaient pire que des mômes. Ils lui ont éventré les polochons, assaisonné la moquette, et même tagué les murs. Quelle soirée fendarde ! Dermought, il a même écrit ses initiales en grand à la bombe fluorescente : D.H.L. pour Dermought Helvin, le roi de la pine.
    Lui, Oswald, il s'est appliqué à marquer son territoire, comme un chien qui pisse. Un petit mot pour Thelma, un conseil pour Jessie et même un proverbe pour le petit William. La fille a commencé à jouer les hystériques, il a fallu la calmer promptement. A la longue, c'est chiant, ces petites putes.<o:p />

    Oswald Bongo, regarde de l'autre côté du fleuve. Une colonie de Pélicans s'envole vers
    l'océan. Bongo pense à Jonathan Livingstone, le Pélican. Une vieille histoire qu'on lui racontait petit. Tout ça, c'est finit. Désormais, Bongo est adulte. Il a des responsabilités. Beaucoup des responsabilités... <o:p />

    A l'ouest, il y a encore quelques rayons de soleil. Momentanément, la chaleur se rengorge dans sa queue et Bongo se dit qu'il aimerait bien remettre ça avec le gros Dermought. C'est un rigolo, ce type là. Ouais, il faudra qu'il songe à le rappeler, dans les prochains jours. <o:p />

    Oswald se lève, il étire ses bras, engourdis par le manque d'exercice. Soudain, comme pris d'une panique instinctive, les ratons laveurs détalent devant lui en poussant des cris stridents. Oswald ne comprend pas. Mais il lève les yeux en direction du toit en tôle verte. Drôle d'idée, pourtant, il y a un homme sur le toit. Un homme jouant les équilibristes. Il porte un jean, des chaussures montantes et un sac de toile en bandoulière sur le torse nu. Il a des peintures bleues carmins et jaunes sur le visage, et trois plumes d'aras sur la tête. C'est incroyable poilâde, malgré le jean, on dirait un indien Séminole. Oswald aurait bien eu envie de lui dire que la<st1:personname w:st="on" productid="la Floride"> Floride</st1:personname>, c'est plus bas vers le sud. Malheureusement, il n'a rien pu dire car l'homme lui a sauté sur les épaules. Oswald n'a pas compris pourquoi l'homme avait sauté. C'était un indien brutal, voilà tout.<o:p />

    Il y a eu dans l'air comme un craquement sourd à l'instant où Oswald lâchait un pet et qu'une de ses côtes se brisait. Puis l'individu a poussé du pied le Trakin de Bongo avant de lui pointer un petit objet métallique dans les yeux. Exécrable, cette lumière rouge qui a parcouru le visage blême d'Oswald Bongo ! C'était un laser de poche trop puissant pour être supportable. Bongo a ressenti une douleur atroce à l'intérieur du crâne. A l'instant de perdre définitivement l'usage de la vue, Oswald a compris que l'Indien n'était pas un vrai peau-rouge. Plutôt un blanc déguisé en Séminole. Ensuite, il a poussé un cri de terreur qui s'est prolongé très loin jusqu'au Capitole. Avant de sombrer dans les vappes, l'afro-wasp s'est demandé combien de temps allait durer cette nuit ? Une perpétuité ! sans aucun doute...<o:p />

    Quand il émerge, Oswald Bongo sent le froid qui lui parcours le dos. Il est trempé par la pluie. Tremblant de peur, il entend les coassements de grenouilles. Ses yeux le brûlent. Quelqu'un marche à côté de lui. Il sent toujours la menotte de son “attaché-caisse” contre son poignet. Cela signifie qu'on ne l'a pas agressé pour le voler. Il s'agit d'autre chose. Une méprise sans doute. Oswald essaye d'évacuer la peur. Il faut qu'il se concentre sur ce qu'il va dire.

    Habituellement il est excellent diplomate. En tant que Web-Médiateur, Maître-Liquidateur pour le compte du World Funeral Center, son job le prédispose à la négociation. La partie va être serrée, mais il doit pouvoir faire entendre raison à la fripouille qui l'a terrassé. Avec un peu d'argent à la clef, on peut presque tout. Demain, il ira se faire réparer les yeux dans la clinique mère de l'Health-Center à Pacific Palissade. Oswald aspire un grand souffle d'air, il tente de prendre une voix décontractée :<o:p />


    “ Belle attaque l'Indien, je ne vois plus rien !” (Oswald est faussement admiratif.)<o:p />

    - Ferme la trappe... Panimaïtch. !<o:p />

    - Panaméen ?<o:p />
    - Da Oswald Bongo di mierda... ia sono Panaméen, ?<o:p />
    - Tu connais mon... mon nom ? Comment est-ce possible ? (Oswald est un trouillard.)<o:p />
    - Et toi Louchebem da mierda, le name de Loune, ça évoque oune sovenire ?<o:p />
    - Loune ?! Loune !? Mais je sais pas qui c'est cette pute de Loune !?! (Oswald est sincère.)<o:p />

    - Close ton outre, salopardi ! Close-là... Jamais plous tu prononces le
    mot poute pour parler de ma Boticelli ! Panimaïch ? Tou fais semblant
    de pas m'imprimer ou tu te fous ma goule ? Tu veux que ja
    recapitulationne, Ass-tronso ? Baltimore avant-hier o soir. Le home
    pire qu'oune porcherie. Broulûre de garettes sour tout son ventral.
    Tranchade de bouteilles sour ses lolos. Griffures sour sa face de
    loune. Des sanguines plein la jambe. C'est pas véritas ? Et la poche
    bleue dans l'eye droit ? Et l'immonde déchiroure da son Ass-Jopa ?
    C'est de l'inventif, sombrissîme salope ? Ma ja va te dire la pire
    inhumanitas, nazible criminale... Vous avez causé des fontaines à ma
    Loune. Depuis trois cimes, elle dort plus ma merveille, elle a rien que
    des alices qui lui coulent sur les astres. T'y as pas songassié à son
    impossible dolor, mon silure ? Nenni por tua c'était jouste une petite
    poute de tapineuse. <o:p />


    - Ce, ce n'est pas moi qui lui ai fait mal, c'est l'autre. Je peux lui donner de l'argent à ta Loune. Beaucoup d'argent même, c'est ce que vous voulez ? (Oswald est en sueur. De la sueur grasse, pire qu'un phoque.)<o:p />
    - Nenni, lopette Bongo. Ja sais que l'argent n'a fait pas lo bonhor. Je ne suis qu'un humblissîme Ucciseur. Ja veux rien d'autre que rober ton doigt et ta vie. <o:p />
    - Attendez. Il y a toujours moyen de s'arranger...<o:p />
    - Oui il y a moyen. Donne-moi la name de l'autre Louchebem qu'a fouraillé avec touam.<o:p />
    - Je... Je ne peux pas. Je n'ai pas le droit de le dire.<o:p />
    - Alors riscommande ton âme al Sipher, mon Devil, t'es pas près de revoir le technicolor.<o:p />

    <o:p> </o:p>


    Sur ces mots l'Indien se penche sur Oswald. La victime Bongo anticipe sur ce qui va suivre et elle se met à hurler avec la froide détermination d'un goret qu'on égorge.

    Enfin, Oswald a crié : <o:p />" Il s'appelle D.H.L., D.H.L, pour le reste je sais pas..."<o:p />

    - Et sa jobname, bouchailleur, tou vas me dire sa jobname ?<o:p />
    - Non, non, non... je le connais pas plus que ça. Je te jure, je te jure... <o:p />
    - Tans pisse l'invinos dans le gosier qu'en final il soûla !<o:p />

    Presque heureux, le faux séminole s'est accroupi. Il a roulé une cigarette. Il a fumé, longuement en hommage à la paix qu'il essaye de retrouver. L'autre s'époumone toujours, alors, l'Uccisore a sorti de ses paraboots montantes coquées, un mignon poignard Kobun incurvé de <st1:metricconverter w:st="on" productid="230 mm">230 mm</st1:metricconverter> de lame longue pour <st1:metricconverter w:st="on" productid="4 mm">4 mm</st1:metricconverter> d'épaisseur. Un couteau japonais dans les mains d'un indien, voilà qui pourrait surprendre. Seulement l'indien se fournit chez un dealer nipponisant. Et rapport à ce qu'il vend, l'homme est plutôt du genre chauvin. L'important, c'est que ce couteau coupe mieux qu'un rasoir. L'Uccisore a commencé par l'appliquer doucement à la base de l'index droit de Bongo, puis il a pressé délicatement sur la lame. Bongo n'a rien senti. Il a juste pensé que ça main était moite. Avec dextérité, l'Indien a pourtant recueilli le doigt pour le placer dans une petite gourde de caoutchouc remplie de glace puis il a rangé la gourde dans le sac qu'il porte toujours en bandoulière. Ensuite, il a fouillé dans la poche de la veste anthracite de Bongo. Il a trouvé le
    pistolet Vektor, l'a contemplé quelques secondes, vraiment fasciné par sa finition. Emoustillé, froid, sans fermer les yeux il l'a posé à vingt centimètre du crâne d'Oswald Bongo et il a pressé calmement sur la détente. Deux fois. Oswald Bongo n'a pas eu le temps de crier le nom de sa femme Thelma, mais il a pensé à le faire. <o:p />

    KARPOV ! KARPOV ! <o:p />
    Sa caboche ressemblait maintenant à un récipient en pâte à modeler. <o:p />


    Contournant le corps hémoglobé du trucidé, l'Uccisore s'est emparé du Trakin d'Oswald Bongo, il l'a mis en mode Com-vocale, prêt à tressaillir quand il
    entendrait la voix de Loune à l'autre bout des ondes :<o:p />

    “C'est toi mon Houmme ?”<o:p />


    L'Uccisore a tressailli.<o:p />

    “ Oui ma Loune, c'est Juan-Barnabé. Tu supportes bien les lacrymales ma madone ? Alors, J'a une jolie légende à te conter. Openne les esgourdes, ma Joconde, tu sauras fier de l'Hombre. J'a retrouvé touam Bongo sur Potomac River... Non, c'était traque facile... Oui, ja l'a glingouillé. Maintenant, ja vas tout faire pour répertoriez l'autre dingo. Y me faut encore son jobname. L'affaire d'oune settimana. Fais pas de bêtises lo week-end. Après, promesse, promesse, ja t'effacerais de l'Intersex. A te revoir, bel ange. Plein de papouilles, ja te coule une baveuse.”<o:p />

    Alors "l'Indien" Juan-Barnabé a balancé le Trakin et le couteau Kobun dans l'eau glauque. Il s'est penché sur le fleuve, quelques secondes, pour se laver le visage avant de s'enfuir vers le nord. Dans le ciel, des éclairs sont apparus, menaçant de foudroyer toute l'Amérique libre. Pas un aristochat dans les rues du district. Une pluie battante est tombée sur Washington achevant de laver la ville de ses miasmes. Les ratons laveurs ont attendu que l'orage passe, puis, intrépides, ils sont venus dévorer le visage d'Oswald Bongo. Ce soir, il n'était pas écrit que ce serait carême. Dans un instant en termes de sanguines, ce serait même Bongo-river.

    A suivre...

    Textes : Wlad Coati

    Photo : Mitsuaki Iwago




  • Commentaires

    1
    Lundi 4 Juillet 2005 à 11:08
    AH !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
    j'attend la suite avec grande impatience...bravo, tu es très doué, je suis restée scotchée, c'est tout à fait le genre de lecture que j'apprécie. On soupçonne tout de même un petit côté San A qui me plait bien ! Bisous doux
    2
    Miss pomme
    Vendredi 7 Octobre 2005 à 12:23
    Bon polard
    beaucoup de mes livres sont des polards, j'aime.
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