On a coutume de dire que l'Histoire ne se répète pas. Comme si l'Histoire, cette grande sotte, était incapable d'avoir des soubresauts... en forme d'orgasmes ou de bégaiements, peu importe au fond.
En mars 1947, dans la grande Ile, les sociétés secrètes malgaches se soulèvent contre l'occupation française. A la pointe du combat anti-colonialiste, les ethnies de l'est, Betsimisaraka (les nombreux qui ne se laissent pas séparer), Sakalavas (ceux qui vivent dans la longue vallée), Antakarana (ceux du pays rocheux) et bien sûr Merina... Bon, avec leurs vieilles pétoires datant du siècle dernier, leurs sagaies et les prétendus pouvoirs de leurs sorciers censés voler ou arrêter les balles, la Légion étrangère aura tôt fait d'écraser les insoumis. Ce qui constituera de fait une véritable guerre de 21 mois occasionnera tout de même des dizaines de milliers de morts et quelques plaies psychologiques plus difficile à quantifier. Le Parti Communiste français, jamais avare de bons mots, pourra ainsi débaptiser l'île rouge (autre nom de Madagascar du fait de sa terre, la latérite) en "l'île qui nage dans le sang".
C'est à cette occasion aussi que quelques cerveaux musclés des services secrets français jetèrent les bases d'une idée appelée à un succès d'estime, au cours du vingtième siècle : la guerre psychologique et anti-subversive. Aux premières tortures classiques, on parvint ainsi à adjoindre quelques nouveautés. Et puisque les chefs accompagnant la rébellion se prétendaient dotés de pouvoir de sorcellerie (cf. plus haut), il fut assez facile à nos cerbères de balancer les chefs d'un avion pour démontrer aux masses éberluées que la sorcellerie malgache ne valait pas un pet de mouche. Réfugiés dans les forêts, les derniers carrés de la rébellion furent promptement affamés. En guise de reddition, on parachuta au-dessus de leur tête de jolis petits drapeaux français sur lesquels étaient inscrit dans les deux langues un ordre de rendre les armes. Ceux qui sortaient du bois en agitant le petit drapeau étaient épargnés. Les autres, sans ménagement, passés par les armes.
Les chefs présumés de la rébellion eurent droit en France à un procès en bon et du forme. Avec de saines et suaves tortures préalables qui permirent à la justice française d'obtenir des aveux circonstanciés.
La répétition générale allait pouvoir se peaufiner ensuite en Indochine puis en Algérie (ah que la Bataille d'Alger était jolie). Ce fut même assez poignant de voir les gentils cow-boy solliciter le concours de généraux français pour les former sur la question. En matière d'éducation des ricains, l'instructeur Aussaresse (alors commandant) fit des miracles théoriques à Fort Bragg qui se soldèrent ensuite par des miracles pratiques (opération Phoenix au Vietnam : 20 000 civils tués). Dès lors, l'école française de la torture obtint une certaine longueur d'avance sur ses concurrentes, au point que dans les années soixante et soixante-dix, des types comme Aussaresse (devenu Général) ou Schmitt (lui aussi généreux général) et plus généralement d'anciens thuriféraires de l'OAS avaient pignon sur Rue en Amérique du sud. Le séminaire de Manaus au début des années soixante-dix fut un must du genre qui réussit à réunir toutes les plus grosses pourritures du sous-continent américain afin de les former aux techniques française de guerre anti-subversive. Expliquer à ces demeurés aussi mal attifés qu'un Picaros d'après beuverie comment passer de la torture de papa à la torture de masse ne fut pas une mince affaire, mais, ne boudons pas notre plaisir : c'est bien là un savoir-faire Français que l'on est parvenu à transmettre (là encore sans même déposer un seul brevet. On est quand même con en France). Où comment passer de la gégène occasionnelle de quelques-uns à la géhenne quotidienne des autres...
Y a pas à dire, ça laisse ensuite des traces. On peut être assez fiers de nous, avec Abou Graïb on sait désormais que les Américains sont nos dignes héritiers. Et avec quel amour du métier !!!
Photo : (maison en latérite) : Le Coati
quand même une putain de canicule