• Chapitre VIII/(passé recomposé)/ Animaux



    A/ TEST

    Test II/Millepertuis

    Hier, on était le 31 décembre 1999, j'ai attrapé une dépression. C'en était une qui traînait là par hasard, sans aucun doute. Une de celle qui vous prend en traître, qui s'ingénie à s'immiscer dans la réalité intime. Une maladie qui vous fait voir les choses en noir et sombre. Avec Mary ça n'allait pas fort. Elle était nerveuse, irritable, méchante. Sans doute son boulot qui tournait pas rond. Bon mais moi, plus Mary s'énervait plus je me dépréciais. Déjà que je m'aimais pas beaucoup, alors choper en plus une dépression, c'était un coup à générer la débandade de l'autosatisfait. D'abord, j'ai pensé consulter un médecin, puis je me suis souvenu d'une discussion, quelques mois auparavant, avec mon frère, Cédrik. A l'époque, il me conseillait déjà de pallier mes angoisses en adoptant un animal.
    Voilà comment je me suis retrouvé à faire un tour du côté de Bry-sur-Marne. J'avais là-bas une connaissance qui faisait dans l'élevage de cabot. Plutôt original pour un type qui prétendait préférer les chats. Mais le plus drôle, c'était que mon éleveur faisait dans la rareté. Des chiens des quatre coins de la planète. Des cleps issus de lignées ancestrales... des bâtards passés de mode ou pire des ersatz qui n'avaient jamais eu droits aux honneurs, strapontins, concours et tout le tintouin. Voilà comment j'ai dégotté un chien chanteur de Nouvelle-Guinée. C'était l'unique spécimen de mon pote. Un tout petit chiot, à peine sevré qu'avait du poil roux et blanc. Une bonne bouille de corniaud avec les yeux plissés comme une limande. L'animal n'aboyait pas il hululait des sonorités qu'avaient des accents de chant tyrolien. Lalalaiiii Ouuu ! Lalaiiii Ouuu !
    Au retour de Bry, avec mon petit compagnon sous le bras, je me suis quand même dit qu'un peu de substances chimiques ne feraient pas de mal à ma dépression. La pharmacienne m'a refourgué un médoc à base de plante : une herbe à prouesse qu'y auraient faite ses preuves ailleurs en Europe mais qui était tout juste toléré en France. Un truc qu'on pouvait pourtant se procurer sans ordonnance. J'ai eu beau la jouer dubitatif, la pharmacienne m'a juré qu'avec mon chien et le Millepertuis, je retrouverais vite des couleurs. Millepertuis ! Un drôle de nom qui fleurait bon le moyen âge, l'obscurantisme, les remèdes de rebouteux, les potions de sorcières. Soit ! j'ai dit en emportant la mixture dans mes fontes.
    Elle peut bien rassurer sa galerie, ma pharmacienne, n'empêche que quand je suis rentré avec en paquetage le Millepertuis et surtout le cabot, le test ne fut pas concluant. Parce que j'ai eu le droit à une de ces scènes de Mary. Elle gueulait si fort que j'en ai renoué avec ma dépression dans la seconde. Elle a dit que c'était le truc de trop, que ce chiot ne foutrait pas ses sales pattes dans sa cuisine, ni dans sa chambre, ni dans le reste de l'appartement, à part peut-être dans la cuvette des chiottes. Elle a même hurlé une connerie comme quoi fallait que je choisisse entre le chien et elle. J'ai un peu tergiversé, puis voyant que Mary restait inflexible, je me suis réfugié dans les toilettes avec le chiot. J'étais assis sur les gogues à faire des gammes, plus déprimé qu'un saule pleureur, quand le chiot chanteur s'est mis à me roucouler une berceuse : c'est vrai qu'il avait une belle voix, le bougre. Mais Mary a pas supporté. On s'est retrouvé à la porte. J'étais viré. Dans le square, le chiot a chanté de plus belle, faisant un barouf du tonnerre, Mary a tenté de le faire taire en balançant un seau d'eau par la fenêtre, mais voyant qu'il chantait encore et encore, elle a jeté tous ce qui lui passait par les mains, voilà comment le flacon de Millepertuis (sans doute oublié dans la déroute) est arrivé sur la tête de mon chiot. Le corniaud est passé du chant tyrolien à la chevauchée des Walkyries. Retrouvant un sourire partiel, j'ai décidé de lui chercher un nom. Mille millions de mille sabord, mon capitaine : et pourquoi pas Millepertuis ?
    Le nom s'est imposé comme par enchantement.

    Texte et photo : Le Coati (reproduction interdite)

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  • On pourrait penser que je n'ai besoin que de tomber en tristesse... Mais c'est le contraire que je tente d'approfondir ici et ailleurs. Prospecteur ès sentiments futiles, je suis à la recherche du grand souffle perdu. Cette vie est déjà une immense tragédie, pas la peine d'en rajouter. Bien sûr, à cause de cette histoire pesante, j'étais soûl comme un polonais cette nuit. Je n'aurais jamais dû vous prendre à témoins sur un détail aussi personnel qui au fond ne regarde que moi et quelques ennemis. C'est fait, il est trop tard pour revenir en arrière. Mais désormais, je veux des pauses et des rires, Des maux de têtes carabinés, des rires et encore des rires, parler sans avoir rien à dire. Désormais je vais tendre vers la légèreté absolue et demander à Alice de ne plus venir m'emmerder avec ses lacrymales. Je vais être fort et cesser de jouer les geignard. Je vais être un adulte responsable et commencer par fuir rapidos à l'autre bout de la planète prendre des photos. Je vais arrêter de passer des heures sur ce blog de m... et aller un peu plus me reposer dans les cimetières. C'est gai les cimetières et rassurant : si on s'y promène, c'est qu'on n'y est pas encore. Je vais compulsivement faire des photos. Je vais aimer des femmes harnachées de cuir à l'humour ravageur et fuir les robes légères... Et puis mentir avec bonheur, avec délice, mentir à tout bout de champs comme un arracheur de dent.

    Bref, si dans les prochains jours vous pouviez être lourd, bien lourd, ce serait un plaisir de votre part et un bonheur pour la légèreté que j'ambitionne d'atteindre. Les vrais amis (vous en êtes, n'est-ce pas ? doivent parfois savoir être bien graveleux, bien lourds. Bref, soyons désinvolte, n'ayons l'air de rien, disait la chanson. Mais oui, c'est ça farpaitement. Je ne suis pas sérieux. Je ne suis plus sérieux, baguette magique.

    Tiens ça y est, j'ai commencé à mentir.

    Retouche la bouche : Le Coati

    Surtout n'oublions pas de rire. Niark, niark, niark (rire de hyène pour le moment)

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  • Parce que je suis globalement honnête, je n'ai jamais supporté les formes de mensonges... Bien sûr, j'ai parfois pêché par omission. Bien sûr, je suis un fanfaron. Bien sûr, je prend de la place et j'ai un problème à faire les choses. Dans le même temps, j'ai toujours axé mon exigence sur ce qui peut plaire ou déplaire avec une préférence pour l'exigence... Je n'ai jamais aimé laisser les autres dans le doute. Ce soir, plus libéré que jamais et sans retour possible, je te l'annonce : je divorce... C'est un acte unilatéral qui prend racines dans un terreau partagé... Quand à dire que c'est de gaité de coeur... C'est pourtant là un cri du coeur...


    Photo : Le Coati

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  • Je ne vais pas te sonner les mâtines, mein Herr. Ni te chanter une comptine pour savoir si tu dors bien. Je ne prends pas assez de nouvelles de toi, je suis un mauvais frère... Je sais juste qu'il y a des instants qui sont de simples mauvaises passes. On n'est pas fait de ces bois clinquant qui poussent en vitesse. On n'est pas même comparables aux épiphytes parasites qui cherchent leur place au soleil. On ressemble plutôt à des bois tropicaux... De la graine de palissandre : rares épanchements, précieux pour les amis et à croissance lente. Tout passe. Surtout, il ne faut pas s'emmerder avec le turbin. C'est notre chagrin quotidien. Allez je te smack une accolade... fraternelle.

    Photo : JY


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  • Séquence bretonne


    - Abraracourcix à Albert E : Alors, tu es sûr Albert qu'il n'y a
    mathématiquement aucune chance que le ciel nous tombe sur la tête ?

    - Albert E en réponse : la chance est relativement restreinte mais relativement relative.


    Séquence suédoise

    - Güdrum (Héroïne de film X suédois des annnées 70) à E-I Bergman : ce ciel me donne envie de m'enyoyer en l'air !
    - Ernst Ingmar à Güdrum : c'est bö Güdrum, presque aussi bö que les Iles Lofoten, la nuit.

    Séquence lybienne

    - Koïnsky (scorpion du désert) à Cush (chamelier) : Pourquoi tu tires sur ce ciel Cush ?
    - Cush à Koïnsky : ce ciel est un ennemi
    - Koïnsky à Cush : ce ciel a beau être un ennemi, il est sympathique.
    - Cush à Koïnsky : C'est justement pour ça qu'il est plus dangereux que les autres ciels et qu'il faut l'éliminer... Moi aussi, je le trouve sympathique.


    Photo : Le Coati



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